vendredi 8 décembre 2017

Jean et Johnny


On pouvait craindre que la mort d’un écrivain fût éclipsée par celle d’un chanteur, selon la mise en garde ironique de l’académicien lui-même, déconseillant à un écrivain de disparaître en même temps qu’une star, comme Cocteau occulté par Piaf dont le décès avait provoqué le sien par arrêt cardiaque, mais il semble au contraire que l’hommage populaire en préparation pour un « héros » dont on dit qu’il ne mourra pas ait pour effet que le chanteur entraîne l’homme de plume dans son sillage de gloire et confère l’immortalité médiatique à l’Immortel qui, sans l’aide du saltimbanque, eût risqué de disparaître sans retenir l’attention des foules.

Jean d’Ormesson étant entré de son vivant dans ce Panthéon qu’est la Pléiade, il paraît légitime que les fans du rockeur demandent pour lui le Panthéon, le vrai.

Les célébrités âgées retiennent leur souffle : il faut laisser passer un certain temps, après Johnny, pour songer à occuper les médias avec un nouveau deuil national. Il y a peut-être un seuil de tolérance.

Deux journalistes, coup sur coup : « Il a succombé à son concert » ; « Il a donné un cancer géant. »

Le chanteur aux 14 disques d’or, 4 disques double or, 11 disques de platine, 7 disques double platine, 3 disques triple platine et 9 disques de diamant, a été opéré d’une hernie discale.

Quand on dit qu’il fête ses 40 ans, ses 50 ans, c’est de chansons qu’on veut dire. Il n’est pas né tout à fait dans la rue, mais sur scène, oui.

Johnny enterré à Saint-Barth, où il arrivera en hélicoptère, comme au stade de France. Dernière descente du ciel, dernier exil ?

Jean-Philippe Smet et Laetitia Boudou, évidemment, ça fait moins rêver.

Le deuil des sosies est pathétique. « J’ai perdu une partie de ma vie » dit l’un. Deux solutions désormais : ou bien il prend sa place et il devient le vrai Johnny, ou bien il meurt aussi, pour assumer la ressemblance jusqu’au bout.

Métro rebaptisé « Durock Johnny » ; ses fans réunis en l’église Saint-Roch. Là, on dirait qu’ils n’ont pas osé.

Chevalier avait dit au jeune rocker : « Soigne ton entrée. Soigne surtout ta sortie. » Il a soigné la sienne, comme dans une fin de concert, en prévision de laquelle on baisse les lumières, on chante des chansons douces comme des berceuses, on s’éloigne progressivement de la rampe. Il y eut l’annonce de la maladie, quelques photos, des messages espacés, des bruits, des silences. La France retenait son souffle. On savait mais on ne voulait pas y croire. On nous préparait. Il n’y aura pas de rappel.

« M’arrêter là » : c’était un beau titre pour une ultime tournée. Mais elle a été interrompue, et le chanteur a dû repartir après une pause.

Chacun ses souvenirs : pour moi, un disque 45 tours écouté en cachette sur le tourne-disque du fils adoptif du compagnon de ma grand-mère, à Therdonne ; « Retiens la nuit » (dont j’apprends que les paroles sont de Charles Aznavour) recopié sur un cahier de chansons en 6e, avec « J’entends siffler le train », « Elle était si jolie » et peut-être « Tous les garçons et les filles ».

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